Comment Florian fait-il venir les grands champions au meeting hérouvillais d'athlétisme ? Il explique sa méthode.

Dwayne Chambers était au départ du 100m au meeting d'Hérouville en 2016. Cette année, Kerron Clement, le champion olympique, sera là pour le 400m haies. Florian Rothenmacher, le responsable du plateau, explique comment il s'y prend pour faire venir les athlètes de tous niveaux. Et en particulier les plus grands.

Comment approches-tu les athlètes pour les faire venir au meeting d’athlétisme d’Hérouville ?

La mécanique c’est que depuis 10 ans avec les meetings d’Hérouville et de Mondeville on a fini par créer un réseau et des liens avec les managers, qui gèrent pour les athlètes professionnels leur année, leurs cachets. On négocie directement avec eux, qui sont par ailleurs licenciés et reconnus par les fédérations nationales et internationales.

Comment est-il possible que les plus grands viennent au meeting d’Hérouville ? Les managers savent que les athlètes qui viennent sont dans de bonnes conditions, qu’ils sont bien pris en charge, sur les échauffements, les hébergements, la restauration, la qualité de la piste, des vestiaires, on a vraiment un point fort là-dessus.

En ce qui concerne ceux qui n’ont pas de managers, le meeting est connu, relayé, quand on aime l’athlétisme, on souhaite venir.  Ces athlètes se gèrent tout seuls, sur notre portail ils peuvent s’inscrire, c’est souvent l'entraîneur du club qui le fait d’ailleurs, et là, c’est la notoriété du meeting qui joue. Ils voient le calendrier FFA, et voient en fonction de leur propre calendrier d'entraînement.  

Avez-vous déjà refusé des athlètes au meeting d’Hérouville ?

Des refus d’athlètes pour le meeting d’athlétisme d’Hérouville, oui, c’est déjà arrivé, soit à cause de leur niveau trop faible ou alors trop d’écart avec les autres participants, ou bien trop de charges pour les faire venir. Mais aussi lorsqu’on arrive à notre quota de d’athlète pour l’épreuve. Par exemple pour le 100m on a 7 couloirs, et on ne peut pas faire plus de 3 séries, ce qui met le plafond à 21 coureurs.

Sur les courses de demi-fond, c’est plus souple, mais on ne peut pas non plus mettre 30 coureurs, mais on n’a pas de logique de minimas. Cependant si un athlète local n’a pas le niveau mais souhaite participer, on préfère le faire venir que de laisser un couloir vide. Par ailleurs, on a aussi déjà annulé des épreuves par manque de participants, notamment sur le lancer féminin, c’est pour ça qu’on ne fait plus ces épreuves aujourd’hui sur le meeting d’Hérouville.

Aujourd’hui sur le meeting au final on est à 120-130 athlètes en moyenne. Avec à peu près 20/25 Normands, 15 %, c’est énorme, on était très loin de ça il y a quelques années, alors que le meeting était d’un niveau plus faible. Mais au fur et à mesure, les athlètes veulent venir, le mot se passe dans les clubs, les entraîneurs le connaissent, ce qui permet d’avoir de plus en plus de participants.

Quels sont, pour toi, les points forts du meeting d’athlétisme d’Hérouville ?

Notre point fort c’est le côté familial et petit meeting, qui fait qu’on a une proximité avec les athlètes et le public, tout en permettant aux gens un spectacle de qualité, et aux athlètes de pouvoir faire de la performance.

C’est comme ça qu’on attire des champions olympiques, comme le champion olympique en titre du 400m haies, c’est tout frais, Kerron Clement, on a eu la confirmation ce matin ! C’est une belle prise ! On va avoir un super 400m haies, une des épreuves phares du meeting. Il ne sera pas seul, il y a beaucoup d’athlètes de haut niveau sur cette discipline traditionnellement. Et il aura de la concurrence, du niveau, avec au moins 2 courses de 400m haies.  

L’autre point fort, c’est d’avoir su fidéliser des partenaires privés à côté des partenaires publics, c’est loin d’être évident dans toutes les organisations, qui sont souvent sur du financement public, c’est la facilité, c’est pour ça que parfois certains disparaissent, au gré des changements politiques. Nous, on est soutenu par les collectivités, ville, département, région, mais simplement, ils ont des contraintes à gérer, et doivent faire avec.  

Depuis 10 ans que je suis là, on a augmenté la proportion des partenaires privés. Avant le meeting s’appelait GDF Suez, même Gaz de France, c’était notre partenaire principal, aujourd’hui il y a beaucoup de partenaires, et plus de rendez-vous, les 2 meetings Hérouville et Mondeville, la conférence, les petits déjeuners Hérouville Sport Partenaires, de la récurrence qui attire et qui procure une vraie stabilité.

Et pour toi, quels sont ses points faibles ?

Notre principal point faible, c’est qu’avec notre petit budget on fait de belles choses, mais il n’y a que des bénévoles qui gèrent, ce qui complique un peu les choses. Notre approche est pro, mais c’est plus difficile à organiser.

Ce qui permettrait de franchir un palier serait d’avoir un salarié, pour la coordination des bénévoles, la recherche des partenaires (qui prend beaucoup de temps), la communication. On essaie d’être les plus forts possible, mais souvent, quand on n’a pas les moyens de ses ambitions, on finit par s’essouffler.

Comment ça se passe côté finances pour faire venir les athlètes au meeting d'Hérouville ?

On ne communique pas sur les montants. Mais ce qu’on peut dire, c’est que les athlètes font des efforts sur leurs primes et de notre côté aussi. On a décidé depuis quelque temps d’investir une partie du budget sur une tête d’affiche, parce que c’est ce qui fait réellement venir les gens et attire les médias. Cette année, c’est le champion du 400m haies Kerron Clement et Timothée Adolphe, le guépard blanc.  

Pour les autres, on a des athlètes de toute la France, certains sont plus ou moins professionnels, et d’autres, qui travaillent, viennent par eux-même et leurs propres moyens. Mais c’est un jeudi, pour ceux qui travaillent c’est plus délicat, ils sont moins nombreux. Pour leurs frais, la FFA nous impose de rembourser les frais de déplacement dès qu’ils finissent dans les 8 premiers de leur épreuve.

As-tu des arguments particuliers pour les faire participer au meeting d’Hérouville ?

Comme on est en contact avec les managers pour les athlètes de haut niveau, c’est une négociation avec eux, pas avec les athlètes, et les arguments ne sont pas à avancer tout de suite. Mais c’est un peu tronqué, on se rend compte parfois que les discours des managers vis-à-vis de nous ne sont pas les mêmes que celui de l’athlète lorsqu’on l’a directement devant nous !

Sinon, pour les décider, on dit qu’on s’occupe bien des athlètes, qu’il y a de bonnes conditions d’accueil, qui vont leur permettre de faire de très bonnes perfs. On ne peut pas parler de belles expositions médiatiques à priori, mais si la perf est faite, c’est plus facile à mettre en œuvre. Avec une tête d’affiche et de belles perfs, on relaie plus facilement, on a des interviews possibles !

Au meeting d’athlétisme d’Hérouville, le public est très proche des athlètes. Est-ce que cela ne les dérange pas pour les perfs ?

Je n’ai jamais eu de retour sur le côté problématique ; justement, les athlètes sont quand même toujours un peu seuls, dans leur bulle, et ça leur fait du bien de rencontrer des gens, de signer des autographes, d’être au contact. Au contraire, même les plus grandes stars sont les plus accessibles par rapport à ça, ils le font bien volontiers. Dans les contrats, on ne rentre pas les détails de cette nature, on stipule d’autres choses, des prestations, mais pas la présence auprès du public, ça fait partie intégrante de leur prime, ça va de pair avec leur notoriété, il n’y a jamais besoin de le rappeler, ça leur fait plaisir, ils le font franchement très naturellement.

Quel est ton calendrier pour préparer le meeting d’athlétisme d’Hérouville ?

Pour faire le plateau, ça commence à un moment précis, avant mi-mars, fin mars, on n’a pas de contact. Après les épreuves indoor d’hiver, on envoie aux managers les dates, qui nous appellent et après on négocie. Avec les athlètes français, les tout meilleurs et les moins connus, ils ne savent jamais ce qu’ils vont faire, certains nous préviennent au dernier moment, ils attendent la dernière minute, et souvent, malheureusement, on les refuse, car on s’est engagé sur d’autres athlètes pour remplir nos épreuves.

C’est une vraie problématique, surtout avec les athlètes de milieu de tableau, ils attendent de voir en quelle forme ils sont, les managers sont aussi embêtés par le manque d’infos et ce côté dernière minute. S’ils s’engageaient un peu plus en avant ça serait mieux, au dernier moment on a plus les moyens de leur donner ce qu'ils attendent, c’est vraiment dommage, on le regrette.

En revanche, pour décider quelles épreuves on programme, ça se décide un an avant, on fait une proposition à la fédération, et parfois on peut changer les épreuves, sur demande de la fédération, ou à la demande d’un athlète, mais c’est à la marge. 

Quelles sont tes plus grandes satisfactions avec le meeting d’Hérouville ?

C’est délicat d’en sortir une parmi les autres, on a de bons souvenirs avec tous les meetings hérouvillais. Mais bon, par exemple, on avait créé des vrais liens avec Felix Sanchez, il était venu et avait commencé son meeting à Mondeville, en annonçant qu’il serait champion olympique à la fin de la saison. Il a fait une des meilleures performances mondiales en 400m haies en salle ensuite !

Christophe Lemaitre aussi, c’est un autre bon souvenir, lui qui est un athlète assez timide, qui vient très régulièrement au meeting de Mondeville, et qui lors de son dernier passage s’est mis à faire son tour de piste après sa course, et taper dans les mains de tout le monde ! C’était vraiment un super moment !

En ce moment on pense forcément à Kevin Mayer, c’est quelqu’un que j’ai eu la chance de côtoyer, c’est quelqu'un de très simple, et juste avant sa médaille aux Jeux Olympiques de Rio, pour ne pas se blesser, il avait fait l’impasse en 2016 sur le meeting d'Hérouville. On se dit pourquoi pas le faire venir, mais après en terme financier, il faudra trouver des moyens, on avait trouvé un accord, certes avant son titre de champion de monde ! Mais on a la faiblesse d’y croire ! 

As-tu déjà eu des clashs avec certains athlètes sur le meeting d’Hérouville ?

Réellement non. Des incompréhensions, parfois, certains décommandent, disent qu’ils viennent et ne viennent pas, mais c’est à la marge, ce n’est vraiment pas la norme. La  plupart du temps quand il y a un souci, c’est qu'il y a des problèmes de communication, c’est arrivé parfois, mais souvent on a réussi à débloquer la situation, et c’est très très peu.

Mais on retrouve quand même des gens qui sont conscients du rôle qu’ils ont à jouer, et d’une manière générale le sportif est facile d’accès, il bosse pour en arriver là. Et je répète, les athlètes aiment bien les moments où ils sont reconnus, c’est surtout une récompense, ils bossent tout seuls toute l’année, voir du monde leur fait beaucoup de bien !

Qu'est-ce que tu aimes le plus faire au meeting d’athlétisme d’Hérouville ?

Je n’ai pas de moment particulier. C’est un peu un tout, le travail en amont, la préparation, voir la satisfaction du public, celle des athlètes, leurs belles perfs. On voit clairement le résultat de nos actes, c’est assez gratifiant, construire un plateau, régler les problèmes, se poser des questions, faire une stratégie, c’est sympa.

Les moments passés avec les athlètes en discutant avec eux, ce sont des moments privilégiés aussi. Ce sont des êtres humains, c’est vraiment chouette, c’est super intéressant, après tu les vois à la TV, et tu leur envoies un petit message quand ils font de belles perfs, c’est cool. Bon, ce n’est pas avec tous, mais ceux avec qui j’échange me répondent.

D’autres fois je leur pose des questions, en disant si on fait ci ou ça, si on fait telle épreuve, à tel moment, est-ce que toi ça t’intéressera ou pas. Cela peut nous permettre d’avoir une tête d’affiche par exemple.

Je pense en particulier à Thando Roto, qui revient cette année, un sud-africain spécialiste du sprint sur 100 m. Il est venu il y a quelques années, et l'année suivante, je lui ai demandé si ça l’intéressait de venir faire des interventions auprès des jeunes, et l’année dernière, il a été auprès des gamins, fait des petites courses avec eux, c’est chouette aussi !

 

Ce texte a été rédigé par Redacwebdecaen.

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