Romain Mesnil, retour sur le palmarès de l'un des 3 meilleurs perchistes français de l'histoire

Romain Mesnil est aujourd'hui ingénieur commercial chez Orange. En 2003, il réalisait la meilleure performance mondiale de l'année avec un record à 5,95 m. Il a décroché, en 2007, une médaille d'argent aux championnats du monde d'athlétisme d'Osaka. C'est lui qui détient le record du meeting de Mondeville avec 5,80 m et du meeting d'Hérouville avec 5,81 m.

 

Romain, tu as arrêté ta carrière il y a maintenant 7 ans. Cela a-t-il été difficile ?

Après les J.O de 2012, j'ai fait quelques compétitions en 2013, pour ma dernière compétition au stade de France, en juillet. C'était le Diamond League, le meeting de Paris. 

En fait j'avais choisi de l'arrêter en 2012 après les JO, et après, pour basculer, je m'étais dit que je ne voulais faire que des compétitions pour le plaisir, pour retourner un peu à la source. En 2013, je ne me considérais plus comme athlète de haut niveau, mais je pouvais encore m'entrainer. 

Déjà c'était un premier passage, j'ai eu la chance de pouvoir faire ça, des compétitions sans enjeux, je n'ai pas fait les grands championnats cette année-là, je m'étais qualifié l'hiver, mais j'avais laissé la place aux jeunes. 

Je ne m'entrainais pas régulièrement, enfin au moins 4 fois par semaine, sans aucune pression, juste pour s'amuser. Pour cette dernière saison, je faisais 5.65 m. L'idée c'était de refaire du sport comme je le faisais en junior. J'étais un peu usé par le haut niveau, j'avais plutôt envie de me remettre des grosses pressions pour les compétitions. 

Qu’est-ce qui te manque le plus dans la pratique du sport de haut niveau ? 

Ce qui me manque le plus c'est le bonheur de réussir, d'avoir un résultat, de gagner une compétition. Ce sont de bons souvenirs et on se dit qu'on ne pourra plus le revivre. Ce qui me manque aussi ce sont les entraînements du quotidien, les stages avec toute l'équipe de France, les copains perchistes à l'étranger. Oui, ça, c'est des moments qui sont à chaque fois très forts, très agréables.  

Et à l’inverse ce qui te manque le moins ?  

Ce sont les moments où on doit jouer en un instant toute une année. C'est vrai que cette pression là ça fait du bien de ne plus l'avoir, c'est le moment le plus important de la compétition. Même si après quand je regarde les compétitions, ça donne envie d'y retourner parce qu'on voit les gens réussir, super joyeux, donc ça forcément ça donne envie. Qui dit résultats à très haut niveau dit haute pression. 

La grosse pression en qualif avant un championnat, c'est vraiment ce qui me manque le moins. Mais également en finale, quand on est en difficulté dans un concours, ça arrive, et il faut vraiment faire le vide en soi pour réussir à lâcher prise pour réussir le saut. Ce sont des moments qui ne sont pas faciles à faire, donc qu'on n'a pas forcément envie de revivre. Même si une fois qu'on a réussi à le faire, c'est très plaisant. 

Tu parles des sportifs qui étaient avec toi, peux-tu nous en dire un peu plus ?  

C'était des gens avec qui je m'entrainais au quotidien sur Bordeaux à partir de 2003, avant c'était sur Toulouse. On était un groupe de perchistes, pas forcément du même club. Ça se fait assez souvent, chacun reste dans son club, ça s'est fait comme ça, beaucoup étaient au départ étudiants. Tous sont devenus de très bons amis. On fait du haut niveau, mais à la base, on est content de se retrouver à plusieurs sur un stade à partager ces moments-là. Même si c'est un sport individuel, si on se tire la bourre, on rigole, on partage ces moments-là, et on souffre ensemble. 

Quelle est ta reconversion professionnelle ?  

J'ai trouvé un boulot en fin d'année 2012, chez Orange Business Service, en tant qu'ingénieur d'affaires, en lien avec mes études. En effet, j'ai obtenu mon diplôme d'ingénieur en 2001. 

J'ai commencé en mars 2013, j'ai repoussé après la saison hivernale pour pouvoir m'entrainer et faire des compétitions. 

Dans le cadre de ton travail, les gens connaissent tes performances ?  

Certains le savent, d'autres non, puis ensuite ça se sait dans la boite mais aussi au niveau des clients. Maintenant, je suis passé au marketing, mais je vois des clients quand même, et ils le savent. Ça fait plaisir, surtout quand on a arrêté, c'est sympa. 

Quelles sont les questions qu'ils te posent le plus souvent ? 

Souvent c'est par rapport à la reconversion, comment j'ai fait. Pendant toute ma carrière, on m'a demandé quand était ma prochaine compétition, la question classique. Et après ma carrière, c'est 'qu'est-ce que vous faite ?', et 'ça ne vous manque pas trop ?'. Alors souvent les gens sont étonnés, ils me demandent pourquoi je n'ai pas fait ma reconversion dans le sport. 

Et qu'est-ce que tu leur réponds ?

Je réponds que j'avais envie de sortir du monde du sport, de découvrir autre chose. Et je leur explique que gagner sa vie dans ce domaine, ce n’est pas facile non plus. Rester dans le monde du sport ça exige aussi de passer des diplômes, de passer des concours.  

Et si tu étais resté dans le monde du sport, tu aurais souhaité faire quoi ? 

Là où je m'éclate le plus aujourd'hui c'est le marketing, ce que je fais aujourd'hui, qui est du marketing de produits informatiques. Mais faire du marketing pour une fédération, pour un événement. J'ai toujours eu cet esprit-là, comprendre comment tirer de la valeur dans ce que l'on propose, comment ça intéresse les gens, et pourquoi.

Par exemple pour aller chercher des sponsors pour organiser un meeting, comme le fait l'AOMH, comment bien le marketer, pourquoi on fait ça, qui on fait venir, comment on l'organise. Quel produit je vends finalement à mes sponsors et à mes spectateurs. 

Arrives-tu à continuer à sauter à la perche ou as-tu complètement arrêté ? 

C'est aussi la question qu'on me pose très souvent. Depuis quelques années, je vais sauter une fois par an à Clermont-Ferrand au concours des légendes organisé par Renaud Lavillenie. 

C'est le All Star Perche, c'est une compétition qui fait sauter les meilleurs du monde. La veille il y a le concours des jeunes, et le lendemain il y a les anciens qui sautent. L'an dernier j'avais fait 4.77 m, j'étais assez content de moi, c'était sympa. 

J'avais tenté le record de France des plus de 40 ans, qui appartenait à Jean Galfione. Le record appartient maintenant à Stéphane Diaz qui s'entraînait avec moi à Bordeaux. C'est un perchiste qui faisait 5, 50 m et qui a sauté au meeting d'Hérouville d'ailleurs !  

Aujourd'hui, je fais du kitesurf. Ça n'a pas de rapport avec la perche mais ça me plait bien. J'en fais sur la côte bordelaise où il y a pas mal de vent. 

Au cours de ta carrière, tu as côtoyé quelques-uns des plus grands perchistes du monde.  As-tu gardé des contacts avec certains d’entre eux ?

J'ai sauté avec de grands champions mais je n'ai pas forcément de contact régulier. Mais quand je vais à un meeting j'en revois certains qui sont par exemple devenus coach. Mais souvent on se suit sur les réseaux sociaux, c'est une petite famille.

Que penses-tu de la nouvelle génération de perchistes ?

Je vois qu'il y a des jeunes qui sont très forts. Renaud a ouvert la voie en battant le record du monde. Ça donne beaucoup d'enthousiasme et ça tire les autres perchistes vers le haut. Au niveau mondial, il y a de très grosses performances. En effet, ils sont trois ou quatre à franchir 6 m.

Et au niveau français il y a toujours une bonne série. Renaud est un peu en difficulté parce qu'il sort de blessure, mais on voit que son frère, Valentin, a fait 5,82m. Il y a donc une bonne équipe. Chez les jeunes il y a du très bon potentiel. Le cadet qui a battu le record du monde dans sa catégorie, les juniors sautent à 5,60 m. C'est costaud mais il faut que tout ce petit monde soit au-dessus de 5,90 m ! 

Quel est ton plus beau souvenir de saut à la perche ?

C'est mon premier podium lors des championnats du monde en 2007, à Osaka où j'avais obtenu une médaille d'argent. J'avais 30 ans et je me suis dit 'enfin !'. Depuis 1999, j'avais fait plusieurs mondiaux où je n'avais pas réussi à avoir de médailles. J'étais légèrement déçu de ne pas avoir la médaille d'or, mais très satisfait d'être vice champion du monde. 

Tu as commencé ta carrière tardivement, est-ce cela a été un frein ou un avantage ?

Ça n’a été ni l'un ni l'autre. En effet j'ai commencé à 15 ans, cela peut paraitre tard par rapport à certains. J'ai mis du temps à vraiment bien comprendre l'athlétisme, à comprendre la bonne façon de courir. Un copain m'a proposé d'essayer la perche, je trouvais ça cool.

Tu détiens le record du meeting en salle de Mondeville avec 5,80 m et celui du meeting d'Hérouville avec 5,81 m. Gardes-tu un bon souvenir de ces meetings ? 

Bien sûr, j'en garde un bon souvenir. Ce sont de jolies perfs en hiver et en début de saison, j'ai d'ailleurs oublié les fois où j'ai été moins bon. Dès les premiers fois ça avait bien marché au meeting de Mondeville. La première fois qu'on va à un concours et qu'on saute bien, on souhaite y retourner. Lorsqu'on y retourne, on est sur une bonne dynamique.  

Tu vas partir sur un tour du monde en famille qui se terminera aux Jeux olympiques de Tokyo pourrais-tu nous parler de ce projet ? 

La préparation est en cours, nous sommes encore à la recherche de partenaires. On est en train de trouver des partenaires médias, on a nos partenaires financiers et nos billets d'avion mais on ne communique pas encore dessus ! L''idée de ce tour du monde est de partir à la découverte du sport et des valeurs de l'olympisme.