Benjamin Soreau, l'agent des athlètes français.

À 40 ans, Benjamin porte un regard bienveillant sur le monde de l'athlétisme. Ancien coureur de demi-fond, il est devenu agent après son master en management du sport obtenu à Caen.

 

Un agent sportif, ça fait quoi ?

Un agent gère les intérêts des sportifs. Dans le cadre des meetings, il engage des athlètes, négocie des primes pour les meilleurs.

Pour les têtes d'affiche françaises, notamment pour le meeting de Mondeville, on s'entend avec les organisateurs pour voir quelles têtes d'affiche peuvent être présentes.

Et on se met d'accord sur le budget, et sur tout un dispositif d'actions à mener. Généralement, il y a une présence sur une action en amont, sur la conférence de presse, un dîner partenaires, par exemple. Le tarif n'est pas uniquement lié à la venue de l'athlète.

Et pour les autres, c'est de pouvoir leur trouver un couloir ou une place dans les meetings. Parfois, c'est plus simple d'engager une tête d'affiche que de trouver des couloirs pour un autre athlète.

Combien d’athlètes avez-vous en charge ? Quelles sont les têtes d'affiche connues du grand public ?

Le nombre d'athlètes ? C'est une bonne question, on n'a jamais pris le temps de les compter, on doit en avoir 70. Il y a d'autres athlètes, pour qui on rend service parce qu'ils font partie d'un groupe d'entraînement où on s'occupe du meilleur.

Parmi les têtes affiches les plus connues il y a évidemment Christophe Lemaître, Renaud Lavillenie, Pascal Martinot-Lagarde, Whilem Belocian, Floria Gueï, Mélina Robert-Michon.

Depuis très peu de temps, on s'occupe de Rénelle Lamote, ensuite on a Yohann Diniz.

Ce sont les athlètes connus du grand public. Après on a entre guillemets tous les meilleurs français ; par exemple au triple saut où on a Rouguy Diallo et Jeanine Assani Issouf. Pour le club de l'EAMH, on est agent de Maeva Danois et Aurore Guérin.

Comment en arrive-t-on à devenir agent ?

C'est un tout petit milieu en France. On doit être 4 ou 5 agents. Ensuite, surtout dans l'athlétisme, il faut être passionné. Parce qu'en foot par exemple, ça peut être l'économique qui attire.

Je pense qu'on ne fait pas du tout le même métier. Un agent de foot ça se résume au mercato. Nous c'est toute l'année, un athlète on l'a au quotidien, quand ça va bien pour l'engager sur les meetings, et quand il est blessé aussi. La relation humaine est au centre du projet.

En athlétisme, les athlètes qui vivent correctement de leur sport sont rares. Comme notre rémunération est une commission sur les gains des athlètes, ce ne sont pas des sommes mirobolantes.

Après c'est vraiment la passion qui fait venir à ce métier. Avant de faire des études dans le management du sport, je faisais de l'athlétisme. Ensuite ce sont des concours de circonstances, par le biais de rencontres.

Moi ça a été le cas avec la rencontre de René Auguin, l'agent avec qui je travaille, qui est agent depuis plus de 30 ans. On s'est rencontré à la fédération, où je faisais mon stage de fin d'études. J'étais avec Souad Rochdi, qui est directrice générale de la fédération depuis janvier dernier. Ce sont ces deux personnes qui m'ont vraiment formé.

Suivez-vous des athlètes dans les compétitions ? Si oui, allez-vous à l'étranger ? Dans quels pays ?

On les suit partout, on est deux, on a cet avantage-là. Nos principaux athlètes on les suit, il y a toujours l'un de nous deux avec eux.

Notre métier, que ce soit avec les athlètes, les organisateurs, et les différentes marques de sport, c'est vraiment d'être présent.

C'est un métier de passion, on aime voir les athlètes performer, et on est là pour eux. Notre rôle c'est que l'athlète ne pense qu'à la performance, on est là pour gérer tous les impondérables.

Si sur un meeting, il y a quelque chose qui n'était pas prévu, on se doit de le régler sans que l'athlète ne le voie.

Par exemple, la semaine dernière, René était à Zurich ; avant on était au meeting de Paris tous les deux, avant encore on était à Birmingham. Après il y a eu Londres, Heusden en Belgique le 20 juillet, Monaco, puis le meeting de Sotteville. Tout ça en un mois et demi. On doit faire une trentaine de meetings à l'année, au moins. Sans compter les championnats.

Là on va à Doha pour les championnats du Monde, pour accompagner 27 athlètes français. C'est tout frais, la liste est sortie la semaine dernière !

Quelle est la qualité première pour être agent d'athlète ?

C'est une bonne question ! C'est d'avoir un bon réseau, ça veut dire qu'il faut être connu et reconnu dans le milieu, par les organisateurs, les marques et les autres agents. Il faut être disponible pour les athlètes, bien travailler avec les entraîneurs, les organisateurs.

Pour moi il faut être disponible et savoir accompagner un athlète sur le long terme.

Avez-vous eu à gérer des «caprices» d'athlètes ?

Non pas du tout. Je vais vous donner mon meilleur exemple. Quand on prend Renaud Lavillenie, qui est champion olympique, recordman du monde, c'est la crème de la crème, pas uniquement en France en athlétisme, c'est la crème du sport français en général.

Pour le coup on a une vraie histoire, j'ai grandi et évolué avec lui dans le haut niveau, il a changé d'entraîneur et d'équipementier, mais il a gardé ses agents. Avec René on est un duo, depuis 2006, on est proches, on est invités à ses anniversaires, son mariage.

C'est un athlète qui nous a toujours fait confiance, avec lui les négociations vont très vite.

Sur tout le côté logistique, organisationnel, il ne nous a jamais demandé des choses extraordinaires.

C'est un perchiste, et la première chose qui voyage avant nous, ce sont les perches. S'il a la garantie qu'une compagnie low cost les prend en charge, il prendra une compagnie low cost.

Alors oui, il y a des parfois des demandes particulières, mais il n'y a pas de caprice de star en athlétisme. Si c'est un meeting à l'autre bout de la planète, ils sont en business class, on pense que c'est normal qu'ils soient dans les meilleures conditions.

Mais je n'ai jamais été voir l'organisateur de Mondeville pour lui demander tel hôtel pour tel athlète, qu'il mange ça, ou qu'il ait une coupe de fruits et une bouteille de champagne dans sa chambre. Ça n'existe pas en athlé ça !

D'après vous, combien d’athlètes en France peuvent vivre de leur sport ?

Ça reste un sport où il n'y a pas une grosse économie. La majeure partie d'entre eux sont étudiants. Ils sont relativement jeunes et continuent leurs études, le palier se fait à ce niveau-là.

Après il y a aussi des athlètes de l'équipe de France qui vivent à la limite on va dire. Car c'est très dur d'avoir un emploi 35 heures par semaine, il faut tout le temps l'aménager, il y en a beaucoup qui gagnent de quoi juste juste vivre. Ce sont des sacrifices, beaucoup d'engagement.

En fait, il y a être un sportif professionnel et vivre de son sport, et être un sportif de haut niveau pour représenter la France.

Ceux qui en vivent très bien sont les plus connus. Il sont une douzaine en France. Ce sont les Lemaître, Lavillenie, Mayer, Bosse, Vicaut, Martinot, Lamote. Après on arrive tout de suite au niveau inférieur.

Ceux qui vivent normalement de leur sport, il y en a une petite cinquantaine, ce sont ceux qu'on connaît, les plus connus.

Pour eux, beaucoup deviennent consultants par la suite, ça se fait bien, c'est très courant en athlé, vu que c'est un sport technique, avec des épreuves techniques. On est un sport de chiffres !

Vous avez pour habitude d’envoyer vos athlètes sur les meetings de Mondeville ou d'Hérouville. Pourquoi faites-vous ce choix ?

Il faut savoir que le meeting de Mondeville a vraiment une place importante dans le circuit indoor, notamment pour les sprinteurs, car la piste est réputée rapide. Il y a toujours une grosse densité de très très très bons coureurs de niveau mondial. Toutes les conditions sont réunies pour y faire des perfs.

C'est important pour ces athlètes-là, l'organisation met tout en place pour mettre les athlètes dans les meilleures dispositions.

La force d'un meeting comme Mondeville c'est de faire revenir les meilleurs athlètes, c'est une vraie marque de confiance des athlètes, ça prouve beaucoup de choses, la qualité de la piste, de l'accueil, de l'organisation.

C'est l'athlète qui décide de venir avec son entraîneur, et une fois que l'athlète a mis Mondeville dans son programme, on a des discussions avec Florian et Christophe pour se mettre d'accord sur les conditions de sa venue.

En athlétisme on fait un programme de meeting, c'est une cohérence de meeting, c'est lié au niveau des dates, pour qu'à tel moment dans sa préparation il y ait un meeting.

Comme le calendrier indoor est très court, il y a des meetings tous les deux jours, celui de Mondeville a une certaine renommée et arrive à avoir des têtes d'affiche, les athlètes demandent à y aller.

Quelles sont les forces de ces deux meetings ? Comment sont-ils perçus par les athlètes ?

Pour Hérouville, c'est plus compliqué de sortir du lot l'été, il y a tellement de meetings que c'est compliqué, il y a beaucoup de demandes.

Ça va attirer d'autres athlètes, qui ont besoin de faire des perfs ou des minimas.

Ça peut attirer une tête d'affiche, mais ça ne sera peut-être pas celles qui seront à Mondeville.

Les meilleurs français iront faire les Diamond League, puis les World Challenge Meeting, qui sont la catégorie au-dessus. Après, il y a les meetings du circuit européen et du circuit français pro. Il y a beaucoup de strates avant d'arriver à celui d'Hérouville.

Après, des meetings comme Hérouville, il en faut, pour permettre aux jeunes athlètes de mettre les pieds dans de grosses organisations, peut-être à moindre échelle.

A Hérouville, on peut voir les meilleurs mondiaux, on a eu, rien que l'année dernière, Ludvy Vaillant, un des meilleurs athlètes français sur 400 m haies, qui fait 4e aux championnats d'Europe. C'est le premier meeting qu'il a fait en arrivant de Martinique. On a déjà eu Belocian, Darien.

Mondeville, c'est un vrai gros meeting, où on peut avoir une très belle affiche avec des athlètes qui sont sur les plus gros meetings au monde d'hiver comme Birmingham, Lievin, Val-de-Reuil, Metz. Le circuit français est quand même bien réputé l'hiver. Il n'y a pas besoin d'aller à l'autre bout du monde pour retrouver les grands champions internationaux.

Avez-vous des compliments à faire à l’équipe d’organisation des meetings de Mondeville et d'Hérouville ?

Ça se passe très très bien ! On se connait depuis très longtemps, Christophe m'a vu commencer, Florian on se connait bien.

C'est une relation saine, ils ont compris qu'on était là pour l'intérêt des athlètes, eux sont là pour l'intérêt du meeting.

On n'est pas là pour faire de la surenchère, ce sont des discussions toute l'année, on se donne des idées mutuelles, c'est une vraie collaboration. D'ailleurs, on s'entend bien, après le meeting on va tous boire un verre !

C'est un métier de passionnés, c'est une relation constructive, aussi bien de notre côté que du leur. On est là pour le bien de l'athlé et des athlètes, toute idée est bonne à prendre. On n'est pas là pour mettre des contraintes, on a bien conscience qu'ils ont des partenaires, encore une fois, au-delà de notre bonne entente, c'est une vraie relation qu'on a avec beaucoup d'organisateurs.

C'est vraiment une organisation professionnelle, tout en ayant su garder une ambiance très famille. Christophe, on le voit souvent, c'est bienveillant de leur part, c'est l'une des clés de la réussite des deux meetings, c'est très cool et décontracté.

En plus, quand ils ont une tête d'affiche, on voit qu'ils sont vraiment heureux de la recevoir, ils mettent les petits plats dans les grands. Pour Christophe et Florian, c'est toujours le même plaisir de recevoir Christophe Lemaître, dans les intentions, pas dans le matériel.

Ils font toujours le maximum, on sent cette joie et cette envie de recevoir les meilleurs athlètes. Ce n'est pas tout le temps le cas partout, même pour les top athlètes.

Les petites intentions sont celles qui font revenir les athlètes, celles dont on se souvient après le meeting. 

 Pour en savoir plus

Ce texte a été rédigé par Redacwebdecaen. 

Email : redacwebdecaen@gmail.com