Muriel Hurtis, une reconversion en or

La sprinteuse a quitté les pistes en 2014 après avoir collectionné les titres et les podiums européens, mondiaux ou olympiques. À 41 ans, Muriel Hurtis revient sur les doutes et les choix qui ont accompagné sa reconversion.

Muriel, la reconversion professionnelle a-t-elle fait partie des questions que vous vous êtes posées pendant votre carrière ?

 

C’est un sujet que j’ai abordé sur la fin de ma carrière. Avant, je vivais pleinement ce que je faisais entre la préparation, les entraînements, la compétition… Je ne me projetais pas dans l’après-carrière. Lorsque mes performances ont commencé à décroître, que les partenaires ont décidé de réduire ou d’arrêter les contrats, je me suis dit : « Je suis sur la fin de ma carrière, le sport ce n’est pas toute ma vie, qu’est-ce que je vais pouvoir faire après ? »

 

C’était une période assez difficile car j’étais complètement perdue. J’ai fait un point sur moi, sur ce que je voulais faire après, dans quoi je me voyais, ce que j’aimais… J’avais l’impression d’être une lycéenne qui devait choisir une orientation (rire). J’ai étudié tout ce qui s’offrait aux sportifs de haut niveau en termes de formation et je suis tombée sur la psychomotricité. J’ai alors décidé de me lancer dans trois années d’études pour obtenir mon diplôme.

 

Avez-vous dû faire face à des difficultés ?

 

J’ai effectué les deux premières années en même temps que ma carrière sportive (entre 2012 et 2014). C’était très difficile car je passais des journées entières à l’école, il fallait retrouver une gymnastique intellectuelle. Le soir j’allais m’entraîner, ensuite je rentrais chez moi pour retrouver ma famille et mon fils. J’avais des partiels à passer, il fallait retrouver de la concentration, accepter d’être à l’école avec des jeunes qui venaient d’obtenir leur baccalauréat.

 

J’ai eu la chance de pouvoir intégrer l’école grâce à mon dossier de sportive de haut niveau. Les valeurs du sport m’ont beaucoup aidé à réussir mes études. Lorsque je commence quelque chose je vais au bout.

 

Pensez-vous que l’après-carrière est un aspect trop souvent négligé ?

 

Je vois beaucoup d’athlètes qui s’entraînent et avec la fatigue ce n’est pas simple de faire des études en parallèle. Il y a tout de même des aménagements possibles comme étaler les études sur plusieurs années. Lorsque j’ai repris mes études en 2012, je n’ai pas choisi cette option car j’avais 33 ans et je ne pouvais pas me permettre d’attendre six ans pour être diplômée. Avec du recul je me suis dit que si j’avais anticipé davantage j’aurais pu m’y prendre plus tôt en dédoublant les années. Cela m’aurait permis de faire autre chose que de l’athlétisme, d’avoir des connaissances, d’être dans l’apprentissage. J’ai regretté de ne pas en avoir pris connaissance de ces possibilités plus tôt.

 

Je pense que l’on est très mal entouré. Les athlètes ne sont pas forcément aidés ou accompagnés, ils ne se projettent pas dans l’après. Cela commence à changer, quelques athlètes prennent conscience de l’importance de faire des études.

 

Sportivement, vous aviez déjà connu une reconversion en passant du 200 m au 400 m en 2010…

 

C’est un passage qui m’a permis de prolonger ma carrière. Sur 200 m, je n’y arrivais plus, j'enchaînais les contre-performances. Après une blessure, j’ai testé le 400 m et le chrono était plutôt correct. Cela m’a donné envie d’aller plus loin, de m’entraîner sur cette distance en me disant que j’avais tout à gagner. Je n’avais pas de références, pas de possibilités de me comparer à ce que je faisais plus jeune. Cela m’a donné un second souffle et une nouvelle source de motivation.

 

En 2014, lors des championnats d’Europe à Zurich, vous décidez de mettre fin à votre carrière sportive. C’était le bon moment ?

 

Oui, vraiment. J’ai arrêté à 35 ans, je pense qu’à un moment le corps est fatigué. Sur les deux dernières années, j’ai accumulé les blessures alors que je me suis très peu blessée auparavant. Physiquement cela devenait difficile. J’avais également mes études à côté. Je termine sur un titre européen avec le relais 4x400 m, je ne pouvais pas espérer mieux car individuellement ce n’était plus envisageable. J’ai eu la chance de ne pas finir sur une frustration, je sors par la grande porte avec ce relais exceptionnel (la fameuse remontée de l’équipe de France). Pour moi c’était vraiment le moment d’arrêter et de passer à autre chose.

 

Avez-vous ressenti ce vide qu’expriment beaucoup de sportifs après leur carrière ?

 

Je n’ai pas fait de sport pendant un an. Les entraînements ne me manquaient pas, j’avais d’autres préoccupations. J’étais contente car j’ai pu faire pleins de choses que je n’avais pas pris le temps de faire, c’était un soulagement et je n’ai pas ressenti de vide. Après deux ans, lorsque je regardais l’athlétisme, j’étais un peu nostalgique de l’équipe de France et des ambiances comme partir en stage ou en compétition. C’est quelque chose que j’ai accepté même s’il y a ce petit manque.

 

Être marraine d’événements, soutenir des causes… C’est un rôle que vous avez endossé facilement ?

 

Oui. Je connaissais déjà ce rôle car j’ai eu l’occasion de soutenir des événements pendant ma carrière. Je m’adapte facilement, j’aime discuter avec les gens, je suis ouverte. Ce n’était pas une contrainte d’aller à la rencontre des autres.

 

C’est finalement cette voie que vous avez choisi…

 

J’ai obtenu mon diplôme de psychomotricienne en 2015 mais j’ai très peu exercé car j’ai été très sollicitée après ma carrière pour participer à des événements, faire des déplacements… J’ai voulu profiter pleinement dans ce que l’on m’offrait juste après ma carrière. Début 2016, j’ai été sollicité par le Crédit Agricole Alpes Provence pour devenir ambassadrice du label « Le Sport pour Valeur ». C’est une proposition qui m’a fait réfléchir. Elle me permettait de rester dans le sport avec une orientation autour de l’événementiel et de la communication.

 

Quelles sont vos principales missions ?

 

Mon rôle est de faire rayonner le label « Le Sport pour Valeur » sur le territoire (Bouches-du-Rhône, Hautes-Alpes, Vaucluse). Nous soutenons des clubs sportifs et j’interviens deux fois par an dans les 30 clubs pour faire des conférences autour de différents thèmes et promouvoir les valeurs du sport. Je participe également à la sélection de ces clubs, à la signature de partenariats ou encore à la mise en place d’événements sportifs. J’ai la chance d’avoir un contrat et un emploi du temps qui me permet de répondre à d’autres sollicitations.

 

Souhaitez-vous vous investir auprès de la Fédération ?

 

J’ai intégré le comité directeur de la FFA il y a un an. Cela me permet de garder un lien avec la Fédération et de voir comment les choses se passent à l’intérieur après avoir été sur la piste. C’est une belle expérience et si je peux apporter quelque chose en tant qu’ancienne sportive c’est positif. Il y a des personnes de mouvements différents, avec des avis différents, les discussions sont parfois musclées mais c’est très intéressant de voir tout cela de l’intérieur. Si l’on me sollicite pour apporter mon retour d’athlète, pour participer à des comités ou à l’accompagnement des athlètes pourquoi pas, mais je n’ai pas vocation à apporter une expertise à une fédération qui déjà un vécu.

 

Vous participez régulièrement à des courses sur route, votre plaisir passe toujours par le sport ?

 

Pour moi c’est vraiment un défi. J’ai besoin de me fixer des objectifs pour me bouger et m’entraîner régulièrement. Aujourd’hui la compétition sur piste n’est plus envisageable. La seule façon de me motiver était de préparer une course que je ne me pensais pas capable de faire. En octobre 2019, j’ai participé à Marseille-Cassis (20 km). C’est un challenge qui m’a permis de vivre d’autres émotions. Au début, je ne prenais pas de plaisir à l’entraînement mais maintenant lorsque j’arrive à faire un footing de 40 min en aisance c’est une belle satisfaction.  

 

Pour l’AOMH, Malcolm Duquesney