Maëva Danois : « Une insulte aux valeurs de la famille du sport »

L'Hérouvillaise de 27 ans a été l'une des premières à dénoncer les inscriptions racistes retrouvées sur des portraits d'athlètes à l'Institut National du Sport de l'Expertise et de la Performance.

 

Vous avez rapidement réagi aux inscriptions racistes qui ont visé l’INSEP le week-end dernier, quelle a été votre première réaction ?

 

J’ai vu les inscriptions lorsque je suis allée faire une séance au bois de Vincennes dimanche matin. J’ai été choquée. Je n’avais pas mon téléphone sur moi alors j’ai demandé à une amie qui avait pris des photos de me les envoyer car je voulais pousser un coup de gueule. Ces inscriptions sont une atteinte à l’institution et à la République Française. Elles visent des sportifs qui portent des valeurs, c’est très choquant. Malheureusement ce sont des choses que l’on peut aussi voir dans la rue mais s’en prendre à l’INSEP est une insulte aux valeurs que nous véhiculons. J’ai été contente de voir que les sportifs se sont mobilisés. Ces inscriptions visent une famille et c’est toute cette famille du sport qui s’est sentie attaquée. En Normandie, nous sommes marqués par le devoir de mémoire et je pense qu’il est important de prendre la parole pour rappeler notre histoire et ne pas l’oublier.

 

Par le passé votre mésaventure avec votre ancien équipementier avait également été très relayée dans les médias et sur les réseaux sociaux, c’est important pour vous d’être une athlète engagée ?

 

Sur la piste, je suis engagée à 200%. En dehors, nous sommes beaucoup d’athlètes à vouloir véhiculer les bons messages. D’autres sont parfois maladroits. J’estime qu’il faut communiquer sur les bonnes valeurs, sur le bon sens du sport. Sur d’autres sujets je reste discrète. Avec mon ancien équipementier (Nike), j’ai voulu dénoncer l’absence de remerciement et de communication pour m’annoncer la fin de mon contrat mais je ne suis pas rancunière. Je pense que les athlètes ont un rôle à jouer pour mettre en avant les valeurs du sport mais il ne faut pas tomber dans l’excès. J’ai un avis sur beaucoup de choses mais il y a des sujets que je n’ai pas envie d’aborder car j’estime que cela n’a pas lieu d’être. Tout va très vite avec les réseaux sociaux et cela peut devenir dangereux. Il faut être vigilant sur sa communication.

 

Vous êtes pensionnaire de l’INSEP depuis 2015, que vous a apporté cette institution dans la construction de votre carrière ?

 

L’INSEP m’a appris le professionnalisme d’un athlète de haut niveau. J’ai pu y faire énormément de rencontres, développer mon réseau sportif, partager beaucoup de bons moments et m’accomplir en tant que femme et athlète. J’ai souhaité apporter ma contribution à la vie de l’INSEP en devenant surveillante au bâtiment des mineurs. C’est un moyen de transmettre aux jeunes ce que j’ai appris pendant plusieurs années. Je suis très heureuse d’appartenir à cette famille, elle m’a énormément apporté. Cette structure m’a permis de mener un double projet sportif et professionnel avec un aménagement afin que je puisse concilier mes entraînements avec mes études en pédicurie et podologie. Ce n’est pas forcément un environnement qui convient à tout le monde mais personnellement cela a été très bénéfique. La fédération m’accorde une année supplémentaire à l’INSEP pour finir ma dernière année d’étude. Je suis très reconnaissante de cette aide.

 

Comment avez-vous vécu ces derniers mois avec la fermeture de l’INSEP ?

 

Tout s’est très bien passé, j’étais dans le Sud-Ouest pendant le confinement. J’ai préféré rester discrète pendant cette période par respect pour ceux qui ont travaillé dur pour sauver des vies. J’ai pu bien m’entraîner et travailler mes cours. Cette période m’a également permis de faire un point sur ce que je voulais vraiment pour la suite et cela m’a fait beaucoup de bien. L’athlé ne m’a rien apporté financièrement cette année alors je travaille tout l’été dans mon domaine d’étude pour prendre de l’expérience et gagner un peu d’argent. J’arrive à m’entraîner le matin et le soir. Même si je n’ai pas encore retrouvé mon niveau depuis ma blessure j’ai la santé et je m’éclate au quotidien.  

 

Quels seront vos prochains objectifs ?

 

Je vais enchaîner deux courses sur 3 000 m à Saint-Jean-de-Luz le 11 juillet puis sur 5 000 m à Bordeaux le 17 juillet. On verra ensuite avec Adrien (Taouji, son entraîneur) si je participe aux championnats de France Elite (12 et 13 septembre à Albi) ou aux championnats de France de 10 km (4 octobre à Saint-Omer). Je retrouve des sensations même si cela fait un moment que je n’ai pas mis un dossard. Les entraînements sont de nouveaux rythmés par des objectifs. J’ai pris ces derniers mois comme une chance pour développer de nouvelles choses, mentalement je suis fraîche. Il fallait tout de suite rebondir face à la difficulté. Pour le moment ce n’est pas forcément judicieux de retourner sur steeple. Je ne m’interdis pas de monter sur des distances plus longues à l’avenir, je suis curieuse.

 

Pour l’AOMH, Malcolm Duquesney