Timothée Adolphe, des records et des projets plein la tête

À une semaine de sa venue en Normandie, Timothée Adolphe a signé un nouveau record du monde T11 sur 60 m (7''16). Habitué du Meeting de Mondeville, celui que l'on surnomme le Guépard blanc aura faim de médaille lors des prochains Jeux Paralympiques. Samedi 30 janvier, le champion tricolore tentera de briller à nouveau sur la ligne droite de la Halle Michel d'Ornano. Rencontre avec un grand champion

Timothée Adolphe et son guide Bruno Naprix célèbrent après le 100m aux Championnats du monde 2019 ⒸGetty Images

 

Timothée, vous démarrez fort avec ce nouveau record du monde sur 60 m... 

C’est un peu une surprise car je suis dans une grosse phase de travail et il y a pas mal de fatigue en ce moment. J’ai fait beaucoup de foncier et de lactique ces dernières semaines alors battre le record du monde sur 60 m (7’’19 en série puis 7’’16 en finale) est une belle satisfaction. L’objectif est de faire encore mieux. J’ai beaucoup travaillé sur des séances orientées 400 m avec peu de travail technique sur le sprint court. Il n’y a pas de raison que je n’arrive pas à faire mieux dès la semaine prochaine à Mondeville.

Le Meeting de Mondeville valorise le handisport depuis plusieurs années, c’est important pour vous d’être présent ?

Bien sûr. C’est une initiative qui prouve que nous sommes considérés. Nous ne sommes pas simplement en marge mais nous avons notre place au cœur de l’événement. J’ai toujours été très bien accueilli et le public est très chaleureux. Cette année, sans le soutien des spectateurs, il faudra se nourrir d’une autre énergie.

« Un gros esprit de revanche à Tokyo »

Avez-vous été contraint d’adapter votre préparation ?

J’ai beaucoup échangé avec mon coach Arthémon Hatungimana et Benjamin Millot qui travaille au pôle recherche de l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance). Nous avons travaillé sur une transformation des séances d’athlétisme sur piste à des séances sur vélo. Début juin, j’ai repris l’entraînement en étant guidé à la voix puis de façon classique avec un guide. 

Vous avez un état d’esprit très positif malgré ce contexte délicat...

L’année dernière, lorsque les Jeux ont été reportés, j’ai pris une vraie claque. Je venais de rentrer de stage à la Réunion, je montais en puissance et j’avais hâte de pouvoir concrétiser toute ma préparation sur la piste. Le report des Jeux puis l’annulation des championnats d’Europe ont été compliqués à gérer. Nous avons décidé de prendre notre temps pour gommer certains points faibles même si nous n’avions pas d’objectifs précis. Je suis content que les efforts de ces derniers mois soient récompensés. Je suis quelqu’un de positif. J’ai besoin d’avoir des pensées positives pour avancer. Tout le monde est touché par cette crise. Il ne faut pas être nombriliste mais solidaire dans la difficulté. 

Vous avez été multiple médaillé européen et mondial. Votre déception de Rio, en 2016, décuple-t-elle votre motivation ?

Il y a un gros esprit de revanche qui est renforcé par ce contexte sanitaire avec une période d’attente et de frustration. À Rio, je réalise le meilleur chrono des séries sur 100 m avant de me blesser à l’épaule en demi-finale. Je remporte tout de même le 400 m devant le recordman du monde qui court à domicile mais je suis disqualifié pour un pied sur la ligne… J’ai toujours ce double objectif sur 100 m et 400 m. C’est un peu le grand écart mais le 200 m a été supprimé aux Jeux dans ma catégorie (T11). C’est un enchaînement qui m’avait plutôt bien réussi lors des championnats du monde à Dubaï, en 2019, (champion du monde sur 400 m et médaillé d’argent sur 100 m). L’objectif est de concrétiser ce que nous avons fait lors de ce championnat. La période actuelle est un peu troublante avec l’enchaînement des annonces ou des rumeurs sur les Jeux. Il faut arriver à faire abstraction de toutes ces incertitudes mais ce n’est pas facile tous les jours. 

« Être compétitif jusqu’à Paris 2024 »

À 31 ans, peut-on dire que les Jeux de Tokyo seront l’un de vos derniers objectifs ?

Oui, bien sûr, même si j’ai en tête d’être compétitif jusqu’aux Jeux de Paris en 2024. Nous sommes dans un sport où il faut concrétiser aux Jeux pour ne pas passer à côté de quelque chose. C’est un événement qui reste à part dans une carrière. J’ai la chance d’être bien entouré pour avancer. Il y a aussi des objectifs extra-sportifs qui me permettent d’avancer et de rester positif. 

Pouvez-vous justement nous parler de ces projets annexes ?

J’ai toujours aimé la musique et je me suis lancé dans le rap. Il y a environ trois ans, j’ai également commencé à travailler sur un projet de one-man-show. Mon spectacle est prêt et j’espère pouvoir monter sur scène dès que possible. J’ai un autre projet en collaboration avec des associés autour de la conception de jeux vidéo grand public, accessibles à tous les types de handicap. Il y a beaucoup de personnes qui voudraient partager un moment de jeu avec un proche en situation de handicap mais bien souvent ce n’est pas possible. Nous avons créé un jeu fun et inclusif qui devrait sortir au printemps.

Ces projets me permettent de m’oxygéner, de penser à autre chose qu’à l’athlétisme et d’avoir un équilibre dans ma vie. Cela m’aide à rester positif car si jamais j’ai un pépin sur la piste, il y a d’autres projets à mener en dehors. C’est aussi une porte de sortie lorsque ma carrière touchera à sa fin. 

 

Pour l’AOMH, Malcolm DUQUESNEY