Lièvre sur certaines des plus grandes courses, le Français de 36 ans joue un rôle peu commun mais essentiel à la performance sur les épreuves de demi-fond. Rencontre avec ce métronome qui met ses qualités au service des autres et du spectacle.
C’est un athlète dont le rôle est de lancer une course de demi-fond sur de bonnes bases chronométriques. Cela n’existe qu’en meeting car sur les courses de championnat chaque athlète doit défendre ses chances. En meeting, l’objectif des athlètes est de réaliser la meilleure performance possible tandis que le lièvre abandonne une fois son travail terminé. On fait appel à un lièvre lorsque des athlètes veulent tenter de réaliser une performance précise comme un minima ou un record.
J’ai d’abord fait les deux. Je participais à certaines courses pour moi et à d’autres en tant que lièvre. J’avais envie de passer à autre chose et au lieu d’arrêter cela m’a permis de trouver un nouveau challenge. J’avais un bon niveau (1’49’’55 sur 800 m et 3’39’’81 sur 1 500 m) mais il ne me permettait pas de rentrer dans les plus grandes courses du monde. Aujourd’hui, j’ai l’opportunité d’être sur une ligne de départ à côté d’un champion olympique ou d’un champion du monde. Je vis des moments exceptionnels que je n’aurais jamais pu connaître à titre individuel.
C’est différent. Le dénominateur commun c’est le plaisir d’avoir rempli sa mission ou l’objectif fixé. Il y a une vraie satisfaction lorsque le travail a été bien fait et que les performances des autres athlètes sont au rendez-vous. Mais ce n’est pas la même satisfaction que de battre son propre record personnel. L’approche de la course est également différente. Lorsque l’on est lièvre, les choses sont un peu plus prévisibles. On sait que l’on doit se positionner en tête de la course et partir sur un certain rythme.
Il faut bien connaître la distance sur laquelle on court et avoir une intelligence de course. Ce qui est important, c’est de sentir les choses et être capable de se mettre dans la peau des autres athlètes. J’échange beaucoup avec eux avant le départ. C’est un petit monde et généralement lorsqu’ils me voient au départ d’une course, ils savent pourquoi je suis là. C’est important de leur dire sur quel rythme je compte partir et jusqu’où je prévois de tirer la course. C’est souvent rassurant pour les athlètes mais aussi pour moi car je sais qu’ils vont rester derrière.
Cela peut m’arriver de faire plus que la distance demandée si je suis dans un grand jour et que je suis capable de faire les choses proprement, sans ralentir le peloton. En revanche, c’est impossible d’aller au bout sur des courses de haut niveau. Il faut avoir un niveau supérieur aux adversaires. Sur une épreuve régionale, cela peut m’arriver de terminer la course.
Oui, totalement. Il faut avoir les nerfs solides car c’est un rôle qui peut être très stressant. J’ai déjà eu l’occasion d’emmener le Norvégien Jakob Ingebrigtsen (champion olympique du 1 500 m en 2021 et champion du monde du 5 000 m en 2022) sur des tentatives de record du monde. Ce sont des courses qui se jouent sur des détails.
Oui, ils sont très reconnaissants. Ils ont cette capacité à reconnaître le besoin d’un bon lièvre. Ils savent que c’est une condition nécessaire mais non suffisante à la réalisation d’une performance. Pour ma part, je mets la même rigueur quel que soit le niveau de la course mais je n’y mets pas le même investissement psychologique. C’est un rôle où l’on est très exposé car l’on occupe la première place pendant une bonne partie de la course. Il faut avoir une capacité d’adaptation si un athlète part trop vite ou au contraire, savoir attendre pour remettre le peloton sur les bonnes allures. C’est un peu comme au foot, si les résultats ne sont pas au rendez-vous c’est de la faute du lièvre (rire). J’applique toujours les consignes que l’on me donne et je me prépare avec autant de rigueur que si c’était pour moi.
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Pour l’AOMH, Malcolm DUQUESNEY